+ sur le film
Auréolé du succès de Cinq pièces faciles, Bob Rafelson, l’un des cinéastes les plus symptomatiques
du Nouvel Hollywood et co-fondateur de la fameuse BBS (société de production à qui l’on doit Easy
Rider et Hearts and Minds), retrouve Jack Nicholson et signe un grand fi lm désenchanté tourné à
Atlantic City, ville balnéaire magique des années 30 devenue en ce début des 70’s, un lieu décrépit
et fantomatique. The King of Marvin Gardens (“Marvin Gardens” désigne la case immobilière la
plus chère du Monopoly américain) exploite toutes les ressources de ce Xanadu en ruines et décline
à merveille l’une des obsessions du cinéma de Rafelson, soit la rencontre, et souvent l’affrontement
violent, entre des marginaux issus d’univers sociaux et culturels que tout, ou presque, oppose.
Ici, le tandem fraternel formé par Nicholson, en autiste dépressif, et Bruce Dern, dans le rôle d’un
arnaqueur fl amboyant, incarne deux facettes d’un rêve américain en bout de course, perdu entre
le mirage et le déni, entre la folie et la société de consommation qui a contaminé tous les esprits.
Nous sommes en 1972 : la contre-culture et ses désirs de changement ne sont plus qu’un mirage
plein de drogues et de rêves viciés (amasser des dollars) où l’on tourne en rond avant d’aller droit
dans le mur. Une merveille du cinéma américain des années 70.
Jean-Baptiste Thoret